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Joe Biden est le moindre mal entre deux vieux racistes blancs pro-israéliens

Biden a prouvé qu’il était opportuniste, et il pourrait abandonner à contrecœur sa position pro-sioniste s’il réalisait à quel point la base du Parti démocrate a changé sur le sujet
Joe Biden est le probable candidat du Parti démocrate à la présidentielle américaine de novembre (AFP)

Bien que beaucoup de choses puissent encore changer d’ici à l’élection présidentielle américaine de novembre, tout indique que Joe Biden sera le candidat démocrate. 

Pour les progressistes et tous ceux qui s’intéressent à la justice au Moyen-Orient, il n’y a pas là matière à se réjouir. Le bilan de Biden sur la Palestine est bien connu. L’ancien vice-président fait de la politique depuis près d’un demi-siècle et durant cette période, il a régulièrement affirmé son « soutien indéfectible à Israël ».

Dans un discours prononcé lors d’une conférence de rabbins en 2011, Biden a déclaré : « Je suis sioniste, car j’ai appris qu’il n’est pas nécessaire d’être juif pour être sioniste. »

Ce n’est pas la déclaration par défaut, strictement formulée et quasiment obligatoire, que l’on attend des politiciens aux États-Unis. « En tant que président, Joe Biden continuera de veiller à ce que l’État juif, le peuple juif et les valeurs juives bénéficient du soutien indéfectible des États-Unis », promet-il sur son site internet.

Biden représente le pire de la vieille garde démocrate et sa nomination, presque certaine, est un coup porté à l’énergie et aux aspirations de militants

Il est fier d’avoir aidé à obtenir la plus grosse enveloppe d’aide jamais accordée à Israël, la qualifiant de « meilleur investissement de 3 milliards de dollars que nous ayons fait », et notant sur son site : « Biden a contribué à façonner le protocole d’accord sans précédent de dix milliards de dollars sur dix ans pour l’aide à la défense d’Israël, signé en 2016, le plus important programme d’aide militaire de ce type de l’histoire des États-Unis. »

Ce plan d’aide, bien sûr, a été préparé au moment où le président Barack Obama s’apprêtait à quitter ses fonctions – triste rappel du fait que les démocrates ont toujours été aussi perfides que les républicains sur la question de la justice en Palestine.

Comme Bernie Sanders, qui s’est récemment retiré de la course présidentielle démocrate, Biden s’oppose au mouvement de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Mais Biden va plus loin, se déclarant « scandalisé » à l’idée de conditionner l’aide à Israël.

« L’idée que nous puissions faire dépendre l’assistance militaire à Israël de la modification d’une politique spécifique, je trouve cela absolument scandaleux », a-t-il déclaré à un journaliste du Wall Street Journal fin 2019, cherchant intentionnellement à se démarquer de Sanders, Elizabeth Warren et Pete Buttigieg, alors encore en lice pour l’investiture démocrate.

Le moindre mal

Par ailleurs, si Biden a critiqué le contexte de la décision de Donald Trump de déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, il a affirmé qu’il n’annulerait néanmoins pas la décision. « Maintenant que c’est fait, je ne transférerais pas l’ambassade à nouveau à Tel Aviv », a-t-il récemment déclaré. 

Cette acceptation cavalière des « faits sur le terrain » fait le jeu d’Israël et suggère que Biden ne demanderait probablement pas l’abandon de la colonisation illégale. 

Pendant ce temps, Israël envisage une nouvelle annexion des terres palestiniennes, convaincu que la direction du Parti démocrate américain, qui se rallie maintenant à Biden, ne prendra aucune mesure pour s’y opposer.

Montage présentant le président américain Donald Trump (à gauche) et le candidat démocrate Joe Biden (AFP)
Montage présentant le président américain Donald Trump (à gauche) et le candidat démocrate Joe Biden (AFP)

Un nombre croissant d’Américains ont malheureusement appris que tous les quatre ans, ils ne peuvent voter que pour le moindre mal, pleinement conscients du fait que le moindre mal n’en reste pas moins mauvais. Telle est la triste et glaçante réalité qui se cache derrière la façade de la démocratie aux États-Unis.

Le 3 novembre, nous choisirons donc entre deux vieux racistes blancs pro-israéliens (Biden s’est opposé par le passé à des politiques d’intégration raciale non « ordonnées », craignant que ses enfants ne grandissent « dans une jungle raciale »).

Nous choisirons entre un homme qui se vante de s’en être tiré en toute impunité pour agression sexuelle et un autre qui continue de nier les allégations persistantes d’agression sexuelle à son encontre, refusant de rendre des comptes.

Dit simplement, Biden représente le pire de la vieille garde démocrate et sa nomination, presque certaine, est un coup porté à l’énergie et aux aspirations de militants qui pensaient pouvoir apporter des changements depuis l’intérieur du système.

Des électeurs peu enthousiastes

Et pourtant, il y a une différence entre Trump et Biden. Trump a pleinement confiance dans le soutien de sa base. Même les très nombreuses allégations d’inconduite et d’agression sexuelles, qu’il nie, n’ont pas dissuadé ses fans, comme en témoignent les femmes qui portent fièrement des t-shirts affichant un rejet de telles allégations.

Ceux qui ont voté pour lui lorsqu’il proposait de « rendre sa grandeur à l’Amérique » – son slogan de 2016 – sont apparemment satisfaits de ses réalisations et veulent « préserver la grandeur de l’Amérique » (la devise de 2020) pour les suprémacistes blancs qu’il a enhardis.

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Joe Biden est tout à fait conscient du fait qu’une majorité d’électeurs démocrates sont peu enthousiastes – voire réticents – à l’idée de le soutenir, et que beaucoup sont horrifiés par les allégations d’agression sexuelle qu’il persiste à ignorer.

Beaucoup sont tellement découragés par le fait qu’il soit le probable candidat du Parti démocrate qu’ils envisagent de ne pas aller voter du tout. 

Biden sait également qu’il y a encore des centaines de milliers de voix qui pourraient aller à Sanders, lequel a stratégiquement choisi de rester dans le scrutin des primaires du 23 juin pour pousser le parti dans une direction plus progressiste.

Comme ce dernier l’a expliqué dans le discours annonçant la fin de sa campagne : « Nous devons continuer à rassembler autant de délégués que possible à la convention démocrate [en août], où nous serons en mesure d’exercer une influence significative sur le programme du parti et d’autres responsabilités. C’est alors qu’ensemble, unis, nous irons de l’avant pour vaincre Donald Trump – le président le plus dangereux de l’histoire moderne des États-Unis – et nous nous battrons pour élire de puissants progressistes à tous les niveaux du gouvernement. »

Glissement vers la gauche

Biden sait qu’il devra opérer un glissement vers la gauche. Nous l’avons déjà vu le faire lorsqu’il a adopté certaines positions de Sanders, en particulier sur l’enseignement public, ou d’Elizabeth Warren sur la protection contre la faillite, auxquelles il s’était opposé plus tôt, sachant que celles-ci sont très importantes pour les électeurs démocrates.

Il n’y a pas grand-chose à espérer. Mais c’est quelque chose qui le distingue de Trump, lequel ne peut que se déplacer plus à droite, dans une étreinte ouverte du fascisme

Biden a prouvé qu’il était opportuniste, et il pourrait également retourner sa veste à propos d’Israël. Cela ne serait pas la conséquence d’un changement d’avis ou d’une impulsion morale à faire ce qui est bien. Au contraire, si cela arrive, ce sera à contrecœur, quand il se rendra compte à quel point la base du Parti démocrate a également changé sur le sujet.

Il n’y a pas grand-chose à espérer. Mais c’est quelque chose qui le distingue de Trump, lequel ne peut que se déplacer plus à droite, dans une étreinte ouverte du fascisme.

- Nada Elia est une écrivaine et commentatrice politique palestinienne de la diaspora, qui travaille actuellement sur son deuxième livre, Who You Callin’ ‘’Demographic Threat?’’ Notes from the Global Intifada. Professeure d’études de genre et mondiales (à la retraite), elle est membre du collectif de pilotage de la Campagne américaine pour le boycott universitaire et culturel d’Israël (USACBI).

Traduit de l’anglais (original).
 

Nada Elia teaches in the American Cultural Studies Programme at Western Washington University, and is currently completing a book on Palestinian diaspora activism.
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